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"Pour réussir le virage numérique, il faut que les professionnels de santé soient en confiance" Point de vue

Peur de l’erreur et du jugement des autres sur sa pratique professionnelle, nouveaux risques liés au numérique, enjeux de la lisibilité des données du patient : Sarah Akhoun, référente du Dossier Patient Informatisé au CHU Nord, partage son expérience sur l’accompagnement au changement de pratique.

Sarah Akhoun, infirmière de formation et référente du dossier patient informatisé au DIM du CHU NORD, a choisi d’effectuer son stage chez TESIS dans le cadre de sa formation à l’IRSMOI pour devenir cadre de santé. Elle nous offre dans cette interview son point de vue sur l’accompagnement au changement de pratique numérique au sein du CHU NORD.

Quelles sont les activités principales du Département d’Information Médicale d’un hôpital du CHU NORD ?

L’activité du DIM s’articule autour de trois pôles :

  • le PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d’information) : décrit de façon standardisée l’activité médicale des établissements de santé ;
  • l’identitovigilance ;
  • la gestion du dossier patient informatisé.

Nous sommes accompagnés par des médecins, dont Michel Bohrer, qui apportent le sens et l’expertise médicale mais aussi par des informaticiens, acteurs indispensables dans notre équipe. Nous sommes une équipe spécialisée au service des utilisateurs (les soignants) et garante de la qualité de la traçabilité des soins apportés au patient.

Vous formez les soignants à l’utilisation du Dossier Patient Informatisé (Crossway) depuis 2010 : quelle méthode avez-vous utilisée ?

  

Chaque soignant a bénéficié d’une demi-journée à une journée de formation en fonction de son métier. L’idée était de faire venir chaque soignant dans une salle dédiée afin qu’il se familiarise avec l’outil sur un format pédagogique de simulation. Nous sommes deux infirmières référentes sur le DPI et notre rôle, pendant la formation, était à la fois de rassurer l’utilisateur quant à sa capacité à utiliser l’outil mais également d’identifier les freins.

En parallèle, nous paramétrions l’outil en fonction des besoins remontés. Avant de réaliser un accompagnement d’une semaine en moyenne dans le service de soins. Nous passions la journée et la nuit afin d’être sûrs de rencontrer un maximum d’acteurs. Le mot d’ordre : présence, présence, présence !

Qu’est-ce qui vous a semblé indispensable à la formation des professionnels de santé sur l’outil ?

Il y a eu trois grandes phases :

  • une phase de présentation du projet ;
  • une phase de formation ;
  • puis une phase de déploiement.

D’abord, lorsqu’on forme des utilisateurs à un nouvel outil, il me semble indispensable de le faire sur une base de simulation avec des patients tests. Un climat de confiance s’est installé plus facilement entre nous et l’utilisateur et entre l’utilisateur et l’outil car il n’y a pas d’enjeux, personne ne ressent le stress de se tromper.  On le sait, le changement ça fait peur ! J’ai rencontré des soignants qui ne savaient pas comment se servir d’une souris ! D’autres craignaient de ne pas réussir à utiliser les outils et avaient donc peur qu’on remette en question la qualité de leur travail. Ce virage numérique nécessitait de leur donner confiance en eux et en l’outil.

Ensuite, avec du recul je dirais que certaines compétences relationnelles ont été indispensables car face à une personne réfractaire, il faut faire preuve d’empathie, de patience, de diplomatie, de bienveillance et ne pas être dans le jugement.

La formation aux différents types de personnalités (l’ennéagramme) m’a beaucoup aidée ! Ça m’a permis de m’adapter aux traits de personnalité, m’a donné des leviers pour mieux les comprendre… C’est important pour le travail transversal et collaboratif.

Avec du recul, feriez-vous différemment ?

Je ne changerais pas grand chose si ce n’est être encore plus présent auprès des équipes ! C’est crucial ! Même s’ils ont suivi la formation, il est nécessaire d’être toujours réactifs et disponibles pour répondre à leurs besoins. Les manuels ne se substituent pas à la présence sur le terrain ou par téléphone. Car parfois, les documents de formation se retrouvent en tapis de souris…

Comment procédez-vous aujourd’hui pour former en continu les soignants du CHU au Dossier Patient Numérique ?

D’une part, on forme systématiquement les infirmiers qui arrivent dans les services. D’autre part, nous avons mis en place un projet de “retour vers les services” qui permet de :

  • Réactualiser les connaissances sur l’outil
  • Améliorer le paramétrage en fonction des besoins
  • Remettre du lien entre le DIM et les services
  • Rencontrer les acteurs dans leur environnement de travail

Au-delà de la formation à l’outil, quel est l’objectif pédagogique majeur ?

Appuyer sur un bouton, ce n’est évidemment pas à cela qu’on forme les soignants. L’objectif c’est aussi et surtout de sensibiliser aux bonnes pratiques de traçabilité des données et aux risques liés à l’informatisation.

On doit faire comprendre la finalité derrière chaque fonctionnalité : celle de servir la bonne prise en charge du patient. Il faut les former à la bonne lisibilité des données dans les outils, c’est vital !

On parle beaucoup des avantages de la numérisation. Mais a-t-elle aussi créé de nouveaux problèmes ?

Avec la numérisation, il y a de nouvelles formes d’erreurs qui sont apparues car la façon d’afficher les données est différente. Les outils numériques aujourd’hui sont tellement normés qu’il y a des champs et des libellés pour tout ! C’est ce qui peut être facteur d’erreur et de confusion.

Un exemple simple :

Pour prescrire un médicament sur une ordonnance papier, le médecin écrirait simplement “Solumédrol 100 mg le matin ”. L’infirmier(e) sait donc que “100 mg” correspond à la posologie prescrite pour le patient.

Aujourd’hui une prescription informatisée contient plusieurs champs :

  • le libellé complet du médicament, exemple : Solumédrol 120 mg
  • puis le champ posologie, dans notre exemple : 100 mg

Si on ne lit pas bien le champ posologie et qu’on s’arrête à la première ligne, on peut administrer 120 mg au lieu de 100 mg

Savoir lire une prescription informatisée, ça peut paraître une évidence, mais ça ne l’est pas !

Depuis 2010, date de votre arrivée au DIM, observez-vous un changement de pratique ? Quelle place prend le numérique au sein du CHU ?

Le changement c’est peut-être qu’aujourd’hui au CHU, le personnel soignant est demandeur d’outils en mobilité ! On nous demande par exemple le déploiement de tablettes. Elles sont utilisées notamment en diabétologie pour réaliser le suivi des plaies, ou pour permettre au patient de désigner une personne de confiance via une signature électronique. La prescription informatisée continue son développement, il y a aussi le dossier transfusionnel régional… ça avance ! On s’oriente vers le zéro papier, ça peut paraître long mais ça progresse ! 

Que retenez-vous de ce stage au GCS TÉSIS ? Y a t-il des méthodes ou des outils que vous aimeriez ré-utiliser au DIM et dans quel but ?

Ce que je retiens c’est avant tout une super équipe : dynamique, disponible et adaptable. Vous donnez envie de vous suivre ! Au GCS TESIS, vous êtes les bons accompagnants au changement : vous facilitez les choses, vous êtes optimistes. Les ateliers de co-construction sont très intéressants car ils laissent place à la créativité et à l’innovation. Mon stage me laisse de belles perspectives de collaboration entre le DIM du CHU et le GCS TESIS.

Propos recueillis par Alice Robert, chargée de communication digitale au GCS TESIS


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Gwaël Desbont